Sais-tu que c’est un bâtard ?
– Ah bon ! le pouce et l’index sur le menton, les yeux ouverts plus gros
– Et moi qui priais derrière lui durant tout ce temps, renchérit-il…Eh Allah !
Être »bâtard » en Afrique, c’est la plus grosse poisse que puisse porter un homme, un enfer sur terre.
Le Bâtard, un déchet humain…
Dans la communauté peule du Foutah Djallon, le plus grand facteur D’EXCLUSION SOCIALE d’un homme demeure encore la bâtardise. Vaut mieux être esclave (maccuɗo) qu’être né hors-mariage »bâtard » (fattuujo) dans cette partie du centre de la Guinée.
D’ailleurs, le bâtard est considéré comme un sous-homme, un SOUS-ANIMAL. Il n’a aucune valeur humaine, aucune dignité, aucune »pudeur », aucune personnalité si petite qu’elle soi, bref c’est un déchet humain.
Quelle que soit la place qu’occupe un homme, si l’on sait qu’il est bâtard, le respect sera sa marâtre, comme on le dit chez nous. Plus personne ne la respectera puisque le bâtard ne doit avoir aucun rang social. Dévoiler la bâtardise de quelqu’un dans la société, c’est la plus grosse HUMILIATION qu’une personne puisse avoir dans cette société conservatrice du Foutah Djallon.
Pour surnommer le bâtard en pular on appuie sur la lettre T avec la dernière énergie pour que ça blesse davantage : FATTUUJO, FATTUURU. Ces termes sont d’ailleurs considérés comme une grosse insulte.
On ne donne pas les mains de sa fille à un »Bâtard »
Dans la communauté peule, c’est le père qui s’occupe des préliminaires du mariage de son fils. Cependant, un enfant né »hors » mariage est considéré comme SANS PÈRE, même s’il vit avec son père. On l’appelle ɓiɗɗo kaawu (fils de son oncle) car il appartient à sa famille maternelle. Puisqu’il n’a pas de PÈRE, personne ne lui donne les mains de sa fille. Chez le Peul, les parents comptent plus que le couple. « On ne cherche pas une femme, on cherche des beaux-parents » dit le fameux dicton. Quel que soit l’amour que l’un porte envers l’autre, le seul statut de « bâtard » peut invalider un mariage, même à la dernière minute. D’aucuns sont obligés de cacher leur statut bâtarde pour pouvoir épouser une femme. Certains parents peuvent récupérer leur fille en découvrant que son mari est né « hors mariage ».
Trouver une femme en étant « bâtard » est un vrai parcours de combattant, un coup de chance d’ailleurs.
La tête du « bâtard », un tam-tam.
Certains sont allés jusqu’à légaliser les coups sur la tête de l’enfant « bâtard ». C’est-à -dire, frapper l’enfant né hors mariage sur la tête avec des coups violents, c’est comme une obligation qu’on se doit de remplir. Partout où il passe, on tape sa tête avec le salut de toute la communauté accompagné par des rigolades à gogo.
La tête du bâtard est un jouet, un véritable tam-tam. Souvent les mamans interdisent aux autres de frapper leur enfants avec pour arguments : ils ne sont pas des bâtards. « Wota piyanan ɓay naa fattuujo nii » (Ne frappe pas mon enfant, ce n’est pas un bâtard). Comme pour dire que frapper l’enfant »batard », c’est légal
Même ceux qui veulent intervenir, dès qu’on leur fait apprendre que c’est un bâtard, ils restent indifférents. Le »bâtard » n’a aucun DROIT et personne ne doit intervenir en sa faveur.
Le « Bâtard » est Haram
Dans plusieurs cérémonies coutumières voire religieuses, le bâtard ne doit pas intervenir. Il est considéré comme étant impur chez Dieu.
Pour formuler des vœux envers Allah, Dieu des musulmans, le Peul n’hésite pas à commencer par son statut de PURETÉ (né dans un mariage). Il dit »Tawandema ko mi halal, Allah mi torikema… » qui signifie « puisque je ne suis pas un bâtard, Dieu je te prie… »
C’est comme si Dieu n’exauce pas les vœux du bâtard, l’IMPUR. Le Peul introduit ses invocations par cette formule SÉRIEUSE dans les situations les plus aigües qu’il rencontre dans sa vie.
Il sait pertinemment que s’il fait recours à DIEU avec son statut de NON BÂTARD, Dieu l’entend directement. Entre son Dieu et lui ce sera comme un léger rideau. L’entente et l’acceptation serait juste très rapide car Dieu aime cette formule.
D’ailleurs pendant les sacrifices, on évite d’associer le bâtard pour ne pas que Dieu les refuse catégoriquement.
Lors de la fête des moutons, la Tabaski, on interdit aux bâtards de consommer la viande de sacrifice. Dieu n’accordera point de valeur au sacrifice consommé par un »bâtard ». Il ne prendra pas en compte tout ce sang versé, encore moins la petite partie de la viande donnée en aumône.
La plus grosse partie reste dans la Maison avec une clé de répartition qui favorise celui qui enlève le sacrifice. Mais bon, l’essentiel est que le bâtard éloigne son impureté des hommes purs.
Aussi est-il que le bâtard n’est jamais IMAM dans cette communauté. Du coup, cette fonction de guide religieux est réservée spécifiquement à la lignée des PURS, aux personnes HALAL (purs). Dans la plupart des cas à une seule et unique famille.
Même entre deux personnes qui prient, la direction de la prière, c’est pour LE PUR. On s’en fout du niveau d’instruction d’un impur. Son étiquette éternel.de bâtard ne peut lui permet d’être devant un HALAL, un vrai pur.
Même si le soi-disant PUR ne connaît aucunement les bases de la prière, il est l’imam devant un IMPUR. Certains veulent que le »bâtard » prie seul de peur que Dieu dans toute sa miséricorde n’invalide la prière de groupe chez Lui.
Bizarrement…
Un jour, j’ai assisté à une séance d’interprétation du coran lors du mois de Ramadan. Une cérémonie appelée au Foutah ALLOUWAL SOUMAYÉ (la planchette du Ramadan). L’imam traduisait un verset coranique de la sourate 2 verset 112 du coran qui disait que <<…Quiconque soumet à Allah son être tout en faisant le bien, aura sa rétribution auprès de son Seigneur. Pour eux, nulle crainte, et ils ne seront point attristés >>.
Il avança que le »mane » (Quiconque) dans la grammaire arabe signifie N’IMPORTE QUI <<Toute personne>>. Un sexagénaire le stoppa net en ajoutant avec ironie »Thiernoein, Hay FATTUUJO on ? » (Même le bâtard ?) Tout le monde rigola pendant un instant.
Surpris de sa réaction, le traducteur dit : ici Allah n’a pas mis une différence. IL a dit QUICONQUE. Qu’il soit bâtard, halal, esclave ou quoi, dès qu’il »soumet à Allah son être tout en faisant du bien », il entre dans le cadre de ce verset.
Ces paroles ont choqué l’auditoire qui estimait que le statut du BÂTARD ne lui permet pas d’aller au PARADIS, que les BIENS qu’il fait sont NULS. Chacun était surpris de comprendre qu’un BÀTARD peut dépasser un HALAL chez Dieu.
Au final, un fameux Docteur islamique répondit : les AUTRES (bâtards), dit-il en esquivant leur étiquette, sont rejetés par Dieu et les hommes pas à cause de la religion mais à cause de la génétique. GÉNÉTIQUEMENT, ajoute-t-il, ils ne peuvent aucunement être de BONS HOMMES. Comme PREUVE, avance-t–il en bon pular »l’eau revient TOUJOURS à sa source » (Ndyam rewtay e ilol).
Le traducteur pas trop convaincu s’est plié derrière la décision du fameux Docteur. Il ne rajouta un commentaire juste pour calmer les ardeurs. L’auditoire salua cette analyse PERTINENTE du fameux Docteur issue de la GÉNÉTIQUE.
Pourtant…
A voir clair, toute une communauté s’acharne contre un enfant innocent qui paie la facture de l’infidélité ancienne de ses parents et ce, quelle que soit sa droiture. On prive un enfant des biens de son défunt PÈRE parce que sa mère n’est pas l’épouse de son père et ce, même si son père établi un testament clair qu’il est son héritier direct.
Toute une communauté prive un enfant de son ENFANCE en légalisant insultes, bastonnades sur lui, juste parce qu’il a commis la lourde faute de ne pas pouvoir choisir ses parents. Ce qui est contraire même au statut d’ÊTRE HUMAIN. Sans même qu’on ne parle de droits humains.
On rejette carrément des années d’études d’un homme, le statut social d’un homme, la grandeur d’un homme, la foi d’un homme, L’HUMANITÉ d’un homme juste parce que sa mère et son père ont commis un accident dans le passé, ils ont décidé d’assumer leur erreur et de ce fait il devint la victime éternelle.
On se demande après : pourquoi cet enfant réussi généralement dans sa vie ?
Et vous, quels sont les préjugés portés sur les »BÂTARDS » dans votre communauté ?
NB : le masculin est utilisé juste pour la lisibilité du texte.
Élaboré par FOUTAN.MONDOBLOG.org
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